Par Laure Lapierre
Conseillère syndicale, SERQ
Depuis la mi- février 2025, la CAQ a présenté à l’Assemblée nationale quatre projets de loi que l’on pourrait qualifier de vengeurs tant ils sont liés aux dernières négociations et aux frustrations exprimées par les représentants de la CAQ et, particulièrement par la présidente du Conseil du trésor.
Il va de soi que les associations syndicales, dont la FAE, se font entendre en commission parlementaire sur ces projets. Et si leur voix ne porte pas suffisamment pour empêcher l’adoption de ces projets de loi, des contestations juridiques devraient suivre.
Voici les principaux éléments de chacun de ces projets visant notamment les enseignantes et enseignants, ainsi que leurs syndicats.
Projet de loi no 89
Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out
Par ce projet, le gouvernement, sous un faux prétexte de protection de la population vise plutôt à limiter le droit de grève dans les secteurs public et parapublic et même à se donner le pouvoir de le supprimer pour privilégier le recours à l’arbitrage dans les autres secteurs.
Ces nouveaux pouvoirs que cherche à s’attribuer le ministre du Travail nous semblent porter clairement atteinte à la liberté d’association protégée par l’article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par l’article 3 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il pourrait aussi y avoir atteinte à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique, ainsi qu’au droit à des conditions de travail justes et raisonnables reconnus à la Charte québécoise.
Notons que le Code du travail en vigueur prévoit déjà l’obligation de maintenir des services essentiels au cours d’une grève tenue dans les services publics et les secteurs public et parapublic, dans les cas où telle grève représenterait un risque pour la vie, la sécurité ou la santé de la population.
Le gouvernement caquiste veut aller plus loin et se donner le droit de limiter l’accès à la grève si, selon sa propre analyse, elle affecte de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population. Est-il nécessaire de rappeler que le but visé par une grève est justement de déranger l’ordre établi, de créer une pression économique sur l’employeur pour obtenir de meilleures conditions de travail et, aussi, dans notre cas, de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves?
Ce projet a été présenté le 19 février dernier et son principe fut adopté le 3 avril 2025. Lors des consultations particulières, il a été notamment décrié par la FAE, le 20 mars dernier.
Projet de loi no 94
Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l’éducation et modifiant diverses dispositions législatives
Il est permis de chercher le lien avec la laïcité… et de conclure que le gouvernement caquiste beurre épais avec l’histoire isolée et malheureuse de l’école Bedford : ce projet de loi instaurerait entre autres l’obligation pour les enseignantes et enseignants de soumettre une planification pédagogique à la direction. Il obligerait aussi cette dernière à procéder à des évaluations annuelles de chaque membre du personnel enseignant.
Par ailleurs, ce projet de loi instituerait un comité sur la qualité des services éducatifs, lequel aurait notamment pour fonction d’assister le directeur général et les directeurs d’établissement dans l’exercice de leurs responsabilités respectives de s’assurer de la qualité des services éducatifs.
Le mémoire soumis par la FAE à la Commission de la culture et de l’éducation fait état de tous les encadrements légaux déjà en vigueur dans le milieu de l’éducation et qui permettent aux CSS de vérifier la qualité des services éducatifs. Au final, avec raison, la FAE a présenté deux recommandations sur ce projet :
Recommandation 1 : Retirer le projet de loi no 94.
Recommandation 2 : Appliquer les encadrements en vigueur.
Et vlan!
Projet de loi no 100
Loi sur la négociation et la détermination des conditions de travail requérant une coordination nationale notamment dans les secteurs public et parapublic
Déposé à l’Assemblée nationale, le 23 avril dernier par la ministre responsable de l’administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, Me Sonia Lebel, ce projet de loi vise à modifier le mode de négociation et de détermination des conditions de travail. Il ne serait alors plus possible pour le SERQ de négocier directement avec les CSS. Seule la FAE serait, dans notre cas, considérée comme partie syndicale et pourrait négocier des « ententes particulières », malgré la spécificité des besoins locaux.
Le gouvernement souhaite ainsi s’assurer d’appliquer une option mur à mur dans toutes les écoles du Québec, sans apporter de nuances et sans laisser aux paliers locaux le soin d’apporter des solutions là où c’est requis. Cela constitue une attaque directe aux droits que nous avons acquis au prix de longues années de lutte!
Projet de loi no 101
Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail
Déposé le 24 avril 2025 par le ministre du Travail, M. Jean Boulet, ce projet de loi se veut un amalgame de modifications à plusieurs lois du travail, dont le Code du travail et la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
En matière de santé et sécurité, ce projet viendrait retarder l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux mécanismes de prévention et de participation, notamment en lien avec la libération et les fonctions de représentant en santé et sécurité et la composition des comités de santé et de sécurité. Avec ce nouveau projet de loi, le ministre fait reculer les droits des femmes dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation, secteurs regroupant une forte majorité d’emplois à majorité féminine et connus pour être à hauts risques d’accidents du travail et maladies professionnelles.
En ce qui concerne le Code du travail, le projet de loi ajouterait un délai maximal pour la désignation d’un arbitre de griefs, ainsi que pour la tenue de la première journée d’audition. Il contraindrait les parties à considérer le recours à la médiation et déterminerait les règles relatives à la communication de la preuve avant l’audition du grief. Si certains éléments nous semblent positifs, dont l’obligation pour l’employeur de communiquer sa preuve avant l’audience, d’autres soulèvent des préoccupations importantes, par exemple le fait qu’un grief serait considéré abandonné si un arbitre n’a pas été désigné dans les 6 mois de son dépôt. Attendu que la partie patronale multiplie les moyens dilatoires, on se trouve actuellement avec des centaines de griefs à faire entendre. Des mesures transitoires s’imposeraient certainement pour s’assurer de ne perdre aucun droit.
Comment cela fonctionne?
Étapes de cheminement d’un projet de loi public
Les différentes étapes doivent normalement avoir lieu à des séances distinctes de l’Assemblée nationale.
- Présentation : l’auteur du projet de loi (député ou ministre) le dépose devant l’Assemblée afin qu’elle en amorce l’étude.
- Consultations en commission parlementaire: cette étape facultative permet aux députés de connaître l’opinion et les besoins réels des personnes ou organismes concernés par un projet de loi. Pour ce faire, le projet de loi est déféré à une commission parlementaire qui procède à des consultations.
- Adoption du principe : à cette étape, les députés débattent à l’Assemblée de l’esprit et du principe du projet de loi.
- Étude détaillée en commission : l’étude du projet de loi se poursuit en commission parlementaire ou en commission plénière (qui réunit les 125 députés de l’Assemblée). Les membres examinent chacun des articles du projet de loi.
- Prise en considération du rapport de la commission : l’Assemblée se prononce sur les résultats des travaux de la commission. Elle doit adopter ce rapport pour que le projet de loi franchisse cette étape.
- Adoption du projet de loi : dernière étape de l’étude d’un projet de loi avant sa sanction.
Aux étapes 4 et 5 le projet de loi peut être amendé, c’est-à-dire que son auteur (député ou ministre) ou un autre député peut y apporter des modifications. Lors de l’étape 6, soit l’adoption du projet de loi, seul l’auteur peut proposer des modifications.
Sanction du projet de loi par le lieutenant-gouverneur
La sanction suit l’adoption finale et fait du projet de loi une véritable loi. Celle-ci peut entrer en vigueur le jour même ou à un autre moment fixé dans le projet de loi ou décrété par le gouvernement.
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